Ils ont 18 ou 19 ans. Ils ont dressé leur petit
Ils ont 18 ou 19 ans. Ils ont dressé leur petit théatre dans la rue près de la cale, sur la scène un bar où tout se passe comme chez les vieux. Ils se sont pris au jeu et tout y est, les verres qu'ils posent devant les vacanciers, les vacanciers qui rapiècent les discussions autour des petites tables rondes, le comptoir et ses grandes bouteilles avec la couleur qui brille et déborde des étiquettes, déborde sur le grand miroir. La nuit est presque là, dans ce petit univers reproduit tout semble attendre la nuit, les musiciens qui vont jouer, ceux qui font des aller-retours entre leurs guitares et la voiture, la cour du bar qui se vide, un peu, les bougies dansent elles pensent déjà à la nuit. Les filles avec des longs cheveux noirs qui inclinent la tête pour allumer leur cigarette.
Il y a bien moi là, assise dans le fauteuil en osier sur le côté orangé du bar, dos à la rue, à me demander pourquoi mon cidre est dans un bol et à trouver ça plutot chouette en fin de compte, à échanger quelques mots avec les musiciens, il y a bien mon pied qui tape le rythme et mes mains qui essaient de suivre en improvisant toutes seules un tap tap qui ressemble à pas grand chose, mais moi je suis pas vraiment là, parce que j'ai pas réussi a rentrer dans le jeu comme tout le monde, je suis à cinquante mètres de là, un observateur qui se tait quand il parle, qui s'écoute parler avec inquiétude, qui surveille sa façon de se fondre dans un décor que d'autres ont fait pousser, que d'autres entretiennent. Et qui aime pourtant le spectacle qui se joue autour de lui, les salut, les conversations les verres qui brillent les garçons qui grattent leurs cordes le garçon avec son chapeau qui chante dans un micro vintage qui résonne. Jusque dans la rue passante c'est la scène, les attroupements qui se forment sur le trottoir, les piétons avec des airs de grands curieux qui ralentissent, les voitures qui ont bien répété leur rôle et qui remontent la rue, l'une après l'autre.
La tête posée sur le sable froid et presque humide, la ville qui déborde sur la plage en faufilant ses lampadaires et ses parcs à vélo jusque sur la cale. Les coins du ciel brunis par les lumières de la rue, mais le coeur reste noir et on entend les étoiles. Le casque à musique enfoncé sur les oreilles on entend toujours les étoiles, même si c'est beaucoup plus haut.
Et puis 4km de solex avec le seul éclairage de la lune parce que le phare a eu la bonne idée de lâcher en repartant...